4. LES PERSÉCUTIONS
ANTISÉMITES Afin d'éviter la déportation en camp de concentration, Anne, sa sur et ses parents quittent clandestinement leur maison pour aller se réfugier dans un appartement situé derrière les anciens bureaux de Monsieur Frank. Dans ce logis exigu et inconfortable, baptisé l'annexe, ils espèrent pouvoir attendre des temps meilleurs en compagnie de quatre autres Juifs de leurs amis. Vendredi 9 octobre 1942. Chère Kitty, Aujourd'hui je n'ai que des nouvelles déprimantes à t'annoncer. Beaucoup de nos amis juifs sont petit à petit embarqués par la Gestapo, qui ne les ménage pas, loin de là; ils sont transportés dans des fourgons à bétail à Westerbork, au grand camp pour les Juifs, dans la Drente. Westerbork doit être un cauchemar : des centaines et des centaines sont obligés de se laver dans une seule pièce, et les w.-c. manquent. On dort sens dessus dessous, pêle-mêle, pas question de trouver un coin. Hommes, femmes et enfants dorment ensemble. Les murs, on n'en parle pas - beaucoup de femmes et de jeunes filles sont enceintes. Impossible de fuir ; la plupart sont marqués par leur crâne rasé, et d'autres encore par leur type juif. Si cela se produit déjà en Hollande, qu'est-ce que ce doit être dans les régions lointaines et barbares dont Westerbork n'est que l'antichambre? Nous n'ignorons pas que ces pauvres gens seront massacrés. La radio anglaise parle de chambre à gaz. Peut-être est-ce encore le meilleur moyen de mourir rapidement. J'en suis malade. Miep raconte toutes ces horreurs de façon si saisissante, elle en est bouleversée elle-même. Un exemple récent : elle a trouvé devant sa porte une vieille Juive paralysée, attendant la Gestapo, qui était allée chercher une auto pour la transporter. La pauvre vieille mourait de peur sous les bombardements des avions anglais et tremblait en voyant les faisceaux lumineux se croiser dans le ciel comme des flèches. Miep n'a pas eu le courage de la faire entrer chez elle, personne ne l'aurait risqué. Les Allemands sont prodigues en punitions. Elli aussi est touchée ; son fiancé doit partir pour l'Allemagne. Elle a peur que les avions qui survolent nos maisons ne laissent tomber leur chargement de bombes, souvent des milliers de kilos, sur la tête de Dirk. Des plaisanteries, telles que "il n'en aura jamais mille" et "une seule bombe suffit", me semblent assez déplacées. Dirk n'est pas le seul qui soit obligé dé partir, c'est vrai ; tous les jours il y a des trains bondés de jeunes gens destinés au travail obligatoire en Allemagne. Lorsqu'ils s'arrêtent en route, dans un patelin, il y en a qui essaient de s'échapper; ça réussit quelquefois, mais à un bien faible pourcentage. Je ne suis pas encore au bout de mon oraison funèbre. As-tu jamais entendu parler d'otages? C'est leur dernière invention pour punir les saboteurs. C'est la chose la plus atroce qu'on puisse imaginer. Des citoyens innocents et parfaitement respectables sont arrêtés, et attendent en prison leur condamnation. Si le saboteur reste introuvable, la fusille cinq otages, tout simplement. Les journaux publient souvent les avis de décès de ces hommes, sous le titre: "Accident fatal !" Beau peuple, les Allemands. Et dire que j'y appartenais ! Mais non, il y a longtemps que Hitler a fait de nous des apatrides. D'ailleurs, il n'y a pas plus grands ennemis que les Allemands et les Juifs. |